L’évangile d’aujourd’hui met en scène une rencontre entre Jésus et un scribe dans laquelle – c’est un cas unique – l’un et l’autre se confirment mutuellement en sagesse. Ce passage m’a donné envie de présenter l’un des plus grands maîtres de la tradition juive : Rabbi Aqiva ben Yossef.
Je ne vais pas revenir ici sur la vie de R. Aqiva. Seulement sur sa mort. Engagé dans la révolte de Bar Kokhba contre les romains, il meurt en martyr vers 132-135. Le Talmud de Babylone raconte qu’il fut arrêté et exécuté pour n’avoir pas cédé à l’interdiction romaine d’étudier la Torah. R. Aqiva aimait comparer l’étude de la Torah à l’eau pour les poissons : parce qu’ils y seraient épargnés par les filets de pêche, les poissons seraient-ils plus en sécurité sur la berge ? (TB Berakhot 61b)
Au moment de son exécution, à ses disciples qui lui demandaient quand il cesserait de prier, R. Aqiva répondit : Toute ma vie, je me suis tourmenté à propos de cette phrase, [Aime ton Dieu] de toute ton âme (Dt 6,4), c’est-à-dire même au sacrifice de ta vie ; je me demandais quand je pourrais obéir à ce commandement. A présent que cela est à ma portée, ne le ferais-je pas ? On dit qu’il expira en prononçant le Shema, et qu’une voix céleste lui dit : heureux es-tu, toi qui es choisi pour le monde à venir (TB Ibid.).
R. Aqiva, qui aima Dieu de toute son âme, reste aussi connu pour avoir enseigné ceci : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même (Lv 19,18), c’est là le grand principe de la Loi ! » (Nedarim 9,3).
L’amour est un sentiment à la fois philosophique et chimique qui ne peut être régit par des lois ou des commandements selon moi.
Bonjour Albertine,
Je suis au regret de devoir pointer plusieurs contradictions dans ce que vous dites.
La première étant que si l’amour est un sentiment en partie chimique, il est de fait automatiquement régit par des lois, qui sont celles de la chimie. Ce serait donc un sentiment fondamentalement déterminé par la matière.
La seconde est le fait de qualifier un sentiment de « philosophique ». Le sentiment étant par définition de l’ordre du rapport immédiat à la réalité sensible, traduction cognitive d’une ou plusieurs émotions, il me parait difficile d’en faire quelque chose de philosophique, c’est-à-dire de l’ordre de le placer au niveau des réalités intelligibles, du concept. Mais je reconnais que nous n’avons peut-être pas la même définition du mot « sentiment » (je prends la définition commune).
La troisième, vous l’aurez compris, c’est de dire que l’amour est un sentiment. C’est pour moi l’erreur la plus grave que l’on fait au sujet de l’amour. L’amour a, il me semble, rapport à la volonté du bien : il s’agit de vouloir le bien d’autrui. Non pas d’y être seulement attaché affectivement, ce qui conduit souvent à vouloir posséder l’autre et l’enfermer. Non pas de simplement désirer l’autre, ce qui conduit là encore à une réification de la personne prétendument aimée.
Mais vouloir, de toute la force de sa volonté, le bien, la liberté, l’épanouissement, et même la grâce pour celui qu’on aime. Si l’amour implique la volonté, alors il implique de fait l’intelligence, mais surtout la liberté et l’humanité. Il implique donc de décider de grandir soi-même dans l’amour, dans la capacité d’aimer. Il implique donc une certaine humilité dans le regard que nous portons sur notre capacité à aimer.
Cette humilité, c’est précisément ce qui articule ensemble l’amour de Dieu et l’amour de l’autre.
Bonne journée.