Etre plus humain est-il un handicap ?

By | 9 octobre 2014

PneumatisHier j’expliquais à mon aîné pourquoi je ne voulais plus qu’on parle d’enfants handicapés : désigner ainsi une personne dit finalement plus de vérité sur nous que cela n’en dit d’elle. Parce que pour qu’une personne finisse par être caractérisée par ses handicaps, il faut que nous ayons érigé quelques capacités humaines – celles-là mêmes dont les personnes que nous qualifions d’handicapées sont dépourvues –  en valeurs premières : des capacités essentiellement physiques et intellectuelles.

J’ai dit à mon grand : oui, ton frère est handicapé pour marcher, il est handicapé pour parler, pour manger, pour lire ou pour compter (saura-t-il seulement un jour)…

Mais regarde comme il est doué pour aimer, pour faire confiance, pour pardonner, pour consoler et pour compatir. Regarde, lui-ai-je rappelé, comme il rit dès que tu ris, et comme il souffre dès que tu as mal. Regarde comme il met du soleil dans notre famille dès qu’il sourit ; regarde avec quelle simplicité il demande pardon et avec quelle innocence il pardonne quand on lui a malencontreusement fait mal, ou avec quel enthousiasme il nous embrasse après qu’on l’ait grondé. Regarde comme il donne la main au premier inconnu qui passe. Regarde encore, comme il rit de lui-même. Il ne connait pas l’orgueil, il ne sait rien de la rancune, ni de la méfiance à l’égard des gens. Et il supporte des souffrances et des frustrations que nous ne serions pas capable de supporter un seul jour. N’est-ce pas d’abord tout ça qui fait véritablement un homme ?

Tu vois, fils, je le regarde, et de lui à moi, je crois que c’est moi la personne handicapée. Je marche, je mange, je pense, je gère, je conduis et je n’ai besoin de personne pour m’accompagner aux toilettes… du moins pas encore. Un jour peut-être. Mais je n’ai pas le dixième de ses qualités humaines.

Il y a quelques temps, dans une tribune en réponse à la censure par le CSA de la vidéo Dear futur mom, le philosophe Fabrice Hadjadj rapportait un enseignement du grand rabbin Abraham Karelitz allant dans ce sens, à propos des enfants trisomiques que l’on avorte, parce qu’on ne voit pas cette richesse, ce trésor d’humanité. Il y a toutes ces personnes extraordinaires, que nous appelons handicapés. Leurs dons merveilleux sont souvent dissimulés sous une grande vulnérabilité et une grande dépendance, parfois seulement sous la différence. Trop souvent nous ne les voyons pas, parce que nous sommes, nous, les vrais handicapés.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.